30.3.06

Je n'écris plus

J’ai écrit des milles et des milles sur mon amour-qui-ne-voulait-pas-mourir.
J’ai produit de beaux poèmes sur des idylles que je savais ridicules.
J’ai créé des textes inspirés d’amourettes qui s’étiraient en langueurs pathétiques.

Je relis ces mots aujourd’hui, c’est tout ce que je sais faire. Parce que je n’écris plus. Coupée, l’inspiration. Je vous ai donc resservi plus souvent qu’à mon tour des archives depuis l’ouverture de ce blog. Confession.

Pourtant, c’est aujourd’hui que je devrais écrire. Aujourd'hui, un homme jouit doucement contre ma joue, résonne dans mon colimaçon et fait la grasse matinée contre mon ventre. Aujourd'hui, il me laisse flâner sur sa nuque, jouer sur ses cils et m’étendre lentement à l’ouest de ses rêves.

Je suis amoureuse. Pourquoi ne sais-je pas écrire cet état d’esprit jouissif s'il en est un?

*

Bon bon d’accord. L’ensemble de ce blog jusqu’ici pue l’amour à 10 kilomètres à la ronde. J'en suis consciente. Oui oui le bonheur, Sauterelle, on sait, ça va hein! Mais sachez tout de même que ce ne sont que des archives qui collent à mon aujourd’hui.

*

Je n’écris plus.

*

Je vis.

29.3.06

Marcher au soleil sur son trottoir
Imiter les gamins : sauter et crier
Couper la corde du ballon attaché à mon poignet
Le regarder s'envoler
Sourire

26.3.06

Mémoire fidèle

Lipogramme en T-A-S publié sur le Coïtus le 31 octobre 2005.

*

Une décennie écoulée, le voici encore remué de me voir.
Un rire provoque une nouvelle ridule.
Quelque ficelle de lumière perce le mur.
Je me remémore le flux, le reflux de ce brin d’homme en moi.

Une perle de joie révèle une houle fébrile, mon émoi.
Je remercie l’ongle qui redécouvre une fibre de folie, le long de mon cou.
J’ouvre ce col pour boire un pore délicieux.
Ce couple nu évoqué derrière un cil : lui, moi.

Il énonce un pur bonheur de me revoir, enfin.
Il noue un fil de douceur, me convie en une région connue.
Bijou d’orfèvre : joue, lèvre, jeu, fièvre.
Une once d’infini germe en moi.

23.3.06

Après-coquetel en dentelles


...ou, dixit Monsieur D., "Une coquerelle en dent d'aile".
Charmant, n'est-ce pas?

19.3.06

Monstres intimes

Publié sur le Coïtus le 12 avril 2005.

*

Je regardais mes petites bêtes jour et nuit, elles me fascinaient, me terrorisaient à la fois. Penser à leurs longues pattes maigres, toutes poilues, m’empêchaient de dormir. Elles étaient laides, et en plus elles racontaient des histoires horribles. Je ne savais pas d’où elles venaient, ni pourquoi elles m’avaient choisie. Tout ce que je savais d’elles, c’était qu’elles étaient là, à mes pieds, toujours là.

« Tu dois devenir amie avec tes petites bêtes noires », m’a-t-il dit un jour. Lui aimait bien mes bêtes. Il les titillait, les excitait, les amadouait, elles ont fini par manger dans sa main.

Il me disait aussi : « Il ne faut pas les écouter, elles inventent n’importe quoi, t’inquiètes pas, c’est juste pour attirer ton attention! Dès que tu leur auras parlé, que tu les auras touchées, elles sauront te montrer des chemins qu’elles seules connaissent. Par contre, si tu continues à les bouder et à les fixer sans bouger, elles finiront par te dévorer toute crue! » Il rigolait, mais il y croyait.

À force, j’ai fini par y croire moi aussi. J’ai bousculé un peu mes bêtes, leur ai montré qui était maître à bord. Et franchement, elles m’ont épatée. Elles m’ont tirée par la main vers de petites ruelles que je ne connaissais pas. Leurs histoires devenaient moins effrayantes à mesure que j’apprenais à en rire.

Mais tout ça n’a duré qu’un temps. Lorsqu’il est parti, j’ai perdu le contrôle de mes petites bêtes. Je n’avais plus la force de les suivre, elles étaient trop exigeantes.

Aujourd’hui, je les sens qui me mâchouillent les orteils, me torturent les ongles, me grignotent les chevilles. Bientôt, je ne pourrai plus marcher, je ne pourrai plus avancer. Mes petites bêtes, mes monstres intimes, comme il disait parfois, auront gagné.

15.3.06

Ah tiens, ...?

Y'a des soirs noyés dans l'alcool qui se terminent au lit. Et puis y'a surtout les matins qui suivent, ces moments ça passe ou ça casse...

Souvent, on se demande ce qu’on fait dans cette chambre inconnue, et ce qu’on y a fait n’est déjà plus très clair. Avec qui? On préfère ne pas regarder à nos côtés pour ne pas y penser. On file vite oublier notre mauvaise haleine, notre peau à l’odeur de musc et nos yeux bouffis sur le trottoir qui nous ramène à la maison. La tête tourne, les souvenirs s’évanouissent.

Et puis il y a une autre sorte de matin. On ouvre les yeux : on en trouve des gentils, des souriants. Ah tiens, il était si mignon, celui-là? Un café, de la musique, une discussion éclectique qui n’en finit plus. Ah tiens, il était si intéressant, celui-là? La journée qui s’étire en complicités et en rires. Ah tiens, il est déjà 17 h? On quitte l’appartement ensoleillé à reculons, se disant qu’il ne faudrait pas exagérer et rester trop longtemps non plus, bataillant contre l’envie de poursuivre la découverte. On sent les toasts au Nutella, notre corps est délicieusement courbaturé et nos yeux pétillent. La tête tourne, les souvenirs se forment déjà.

12.3.06

hirsute à moitié
je ne me méfie pas
aveugle et heureuse
sur les chemins grillagés
et ta main tendue
je m’y glisse à chien perdu
nous voilà courant
et tu m’envoles!
c’est le parapluie que tu m’as donné
avec lui partout
avec toi ici
chez moi.

9.3.06

Avant que

Ébauche pour le thème Monstres intimes du Coïtus

*

Avant que tout cela ne gonfle et ne se déforme horriblement,
Avant que je ne puisse plus te regarder en face,
Avant que ce sentiment, petit encore, ne se mue en calmar géant,
Avant qu’il ne m’étouffe à prendre trop de place,

Comme trop d’autres l’ont fait avant lui,
Les monstres intimes de mes fantasmes amoureux,

Aussi bien crever l’abcès immédiatement,
Couper l’herbe sous le pied de mes illusions,

Tu me plais.

8.3.06

C'est aussi ça la vie - Doualé me regarde



Durant la semaine de relâche d’une collègue, j’ai pris la garde de Doualé, une figurine de Passe-Partout. Je l’ai placée juste sous l’écran de mon ordinateur. Doualé me regarde. Gentille et sage Doualé, dans sa petite robe bleue sur polo blanc, les pieds en V, la tête de côté, ses deux tresses bien serrées, les mains derrière le dos. Tu me fais sourire, Doualé.

7.3.06

8°C un vendredi 13 janvier

Un peu étourdie par la cigarette à mes doigts, je marche au centre-ville de Montréal. Enfin, j’y suis, là où j’ai inconsciemment longtemps rêvé d’être : dans la vie de Montréal. J’en suis. J'écrirais spontanément "Enfin", mais ce ne serait pas le reflet de ma pensée. Je suis là où je dois être au moment où je dois l'être. Il n’y a pas de Enfin qui tienne.

Il fait 8°C un vendredi 13 janvier, mais le dérèglement de la nature ne m’inquiète plus aujourd’hui. J’en profite à plein poumon, sans foulard autour du cou, le manteau détaché. Je regarde les gens qui marchent à mes côtés. Des étudiants, des travailleurs comme moi. Plusieurs parlent anglais et aujourd’hui ça ne m’agace pas : Montréal est bilingue, c’est une partie de son charme. Une femme chantonne un air d’opéra. Des amis potinent. Le soleil me caresse le visage. La brise fait flotter mes cheveux trop courts.

J’ai un emploi, j’ai des amis, je pense à un homme. Je me sens bien. Je suis là où je veux être et je ne serais personne d’autre à cet instant même.

Les arbres bordent la rue mouillée qui se vide lentement de sa blancheur. Pour aujourd’hui, je crois que c’est le printemps en janvier, et j’en suis heureuse. La nature se met à mon diapason. Serais-je responsable des changements climatiques?

Je marche, je fais le tour du carré, je respire l’air de Montréal. Aujourd’hui je croirais qu’il n’est pas vicié. Il regorge d’odeurs de printemps.

Et puis vite je reviens à mon bureau pour écrire ce bonheur. Parce que écrire fait partie de mes bonheurs. Parce que souligner un bonheur le prolonge. Parce que le partager est encore plus précieux.

5.3.06

À mon souffle d'homme

À mon souffle d’homme,

Voici mon histoire, le récit de mes écumes délicieuses. Je l’encre sur papier blanc afin de l’insérer en vase clos et de la rendre à la mer, là où elle revivra. Maintenant que les vents lisses nous poussent au large, te souviens-tu de mes furies initiales?

… À marée basse, à l’aube du vent, j’avançais dans des dunes immenses. Je m’ensablais, ma trace était éphémère. Soudain, l’alizé s’est emballé, j’ai senti ma robe écarlate frétiller autour de mes jambes. L’horizon s’est teinté d’émeraude, s’est ouvert dans ton sillage.

Tu étais un rêve devant moi, une parcelle de brume qui voltigeait continuellement. Tu entraînais les moineaux-tisserands à ta suite, je les entendais chanter! Ils berçaient la vie dans mon ventre, rythmaient la caresse des paons.

Tu tenais autour de mon âme le voile pur des ancres divines. J’y suis entrée et je me suis écroulée. Je résistais à ce vent chaud qui tintinnabulait dans mon limaçon. Et puis j’ai abdiqué, épuisée de désirs. Je t’ai permis de poser une borne sur mes jours. J’ai pénétré en ton maelström et m’y suis recueillie sereinement. Tu avais trouvé notre spi, mon amour!

Pour toi, voilà dévoilées mes premières inflexions. Et aujourd’hui…

Et aujourd’hui c’est notre tourbillon, je suis dans l’œil, amoureuse, goûtant ma chance, heureuse. Je fais à l’instant partie de cette cité de tant de chants, d’âmes ondulées, de toi et de moi. Je ne demande plus rien : que cette voile de bateau fou qui tourne et se retourne sur nous, nous engouffre dans sa tempête salvatrice. Je pose un pied sur ce voilier, notre île mouvante, qui nous entourloupe et nous anéambule.

Je souhaite que le vent nous porte derrière ces dentelles là-bas. Les vois-tu, au bout de mon doigt? Allez, on y va!

Ton ombrelle