Monstres intimes
Publié sur le Coïtus le 12 avril 2005.
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Je regardais mes petites bêtes jour et nuit, elles me fascinaient, me terrorisaient à la fois. Penser à leurs longues pattes maigres, toutes poilues, m’empêchaient de dormir. Elles étaient laides, et en plus elles racontaient des histoires horribles. Je ne savais pas d’où elles venaient, ni pourquoi elles m’avaient choisie. Tout ce que je savais d’elles, c’était qu’elles étaient là, à mes pieds, toujours là.
« Tu dois devenir amie avec tes petites bêtes noires », m’a-t-il dit un jour. Lui aimait bien mes bêtes. Il les titillait, les excitait, les amadouait, elles ont fini par manger dans sa main.
Il me disait aussi : « Il ne faut pas les écouter, elles inventent n’importe quoi, t’inquiètes pas, c’est juste pour attirer ton attention! Dès que tu leur auras parlé, que tu les auras touchées, elles sauront te montrer des chemins qu’elles seules connaissent. Par contre, si tu continues à les bouder et à les fixer sans bouger, elles finiront par te dévorer toute crue! » Il rigolait, mais il y croyait.
À force, j’ai fini par y croire moi aussi. J’ai bousculé un peu mes bêtes, leur ai montré qui était maître à bord. Et franchement, elles m’ont épatée. Elles m’ont tirée par la main vers de petites ruelles que je ne connaissais pas. Leurs histoires devenaient moins effrayantes à mesure que j’apprenais à en rire.
Mais tout ça n’a duré qu’un temps. Lorsqu’il est parti, j’ai perdu le contrôle de mes petites bêtes. Je n’avais plus la force de les suivre, elles étaient trop exigeantes.
Aujourd’hui, je les sens qui me mâchouillent les orteils, me torturent les ongles, me grignotent les chevilles. Bientôt, je ne pourrai plus marcher, je ne pourrai plus avancer. Mes petites bêtes, mes monstres intimes, comme il disait parfois, auront gagné.
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