30.10.06

Alors, repartir?

Depuis hier après-midi, je suis turlupinée par la question : « Est-ce que je repartirais aujourd’hui? »

Grâce au film « Bonne chance », j’ai revécu l’Afrique de l’Ouest. La route rouge et aléatoire; les enfants par dizaines riant et courant autour des blancs; la longue préparation des repas autour du feu; les vaches et autres animaux au milieu de la route; la danse cérémoniale à la fin de la période « d’initiation » des enfants (excision), au milieu de la nuit; le sourire et les manières des femmes, leur voix, leur débit lent et leur accent; les bouches édentées des vieux; les chaudières d’eau multicolores; le sac de caoutchouc noir pour tirer l’eau du puits.

J’ai aussi retrouvé le sentiment de ne pas savoir pourquoi on est là. La peur de brusquer les gens avec nos si parfaites manières de faire bien occidentales. L’impression persistante de retirer plus qu’on ne donne. La prétention sous-jacente à la phrase: « Je vais aider les autres, leur montrer comment faire. » Et la pensée à laquelle s’accroche en fin de compte tout stagiaire : « J’espère que j’ai fait une petite différence, j'espère surtout qu’ils se souviendront de moi comme je me souviendrai d'eux. »

Alors, repartir?

À mesure que les attaches se multiplient au Québec et à Montréal, la perspective d’un nouveau départ perd de son éclat. J’ai déjà méprisé des filles à l’université, qui avaient refusé de s’inscrire à un stage de 4 mois en France. « Oui mais mon chum… » Je n’en revenais pas qu’elles laissent passer une telle occasion pour son chum. « Écoute ma belle, ton chum il va t’attendre, c’est toutte! »

Aujourd’hui, je suis encore d’avis que je ne refuserais pas un séjour à l’étranger pour mon chum. Quatre mois d’absence, ça se surmonte. J’hésiterais avant tout parce que je ne vivrais pas cette expérience avec lui. Lors de mon stage au Mali, j’étais célibataire. Je vivais cette expérience seule dans ma tête et dans mon cœur. Toute la place était libre pour que les petits Adama, Bakary et Fanta s’installent en maîtres.

Mais maintenant que j’ai l’Amoureux? Vivre tout ça, revenir changée et ne pas pouvoir lui communiquer tout ce que j’ai vécu? Vivre la frustration constante de ne pas partager ces moments avec lui? Penser à lui tout le temps « parce qu'il tripperait tellement ici... »? Être à moitié ici dans ses bras, à moitié là-bas dans la brousse?

Laisser le boulot si difficilement trouvé pour se relancer dans l’aventure? Repasser par les étapes pré-départ – levée de fonds, formations, papiers, vaccins…? Revivre le stress intense, les émotions en montagnes russes, l’impuissance, l’angoisse parfois? Faire fi une autre fois de mes peurs immenses et de mon insécurité naturelle?

Alors, repartir?

Je ne sais même pas où j’ai trouvé l’énergie et le courage de partir une première fois.

Alors, repartir?

Je me rends compte que je vieillis, que je prends racine et que la réponse est de moins en moins spontanément oui. Triste, oui.

7 Comments:

At 12:08 p.m., Blogger Mamathilde said...

Triste? Sans doute, si tu le sens ainsi.

Différent je dirais. Les embranchements que tu as croisés t'ont amené à voir l'avenir, les décision que tu prends sous d'autres angles.

Et puis, tout le monde ne peut pas être Nomade du monde tout le temps.

Peut-être que l'opportunité n'est simplement pas la bonne en ce moment.

 
At 1:06 p.m., Blogger Sauterelle said...

Mathilde, je suis contente de lire ton commentaire, il me permet d'affiner mon texte, que je trouvais trop court et en survol. Je voulais surtout dire que partir seule ne me semble plus une opportunité attirante. Mais partir à deux, ça oui! Je suis donc contente d'avoir un Amoureux que le voyage long-terme attire. Du coup, ce n'est pas un triste constat.

Ceci dit... Quelqu'un se propose pour l'adoption d'un Gamin de 12 ans? Il est propre, vacciné, bien élevé, pas dérangeant... ;-) Ou bedon, Mathilde, tu connais un livre du genre: "Enseigner à la maison/dans les valises/dans la brousse à un adolescent scientifique et curieux le putain de programme du MEQ pour les nuls"?

 
At 8:46 p.m., Blogger Patrick Dion said...

Le voyage à long terme, ça se fait en restant sur place aussi. ;-)

 
At 10:46 p.m., Anonymous Anonyme said...

Triste, s'enraciner? Vraiment? Je veux dire, vraiment?

 
At 7:46 a.m., Blogger Yza said...

Oui, oui, il existe un programe reconnu pour enseigner en voyage long terme aux enfants qui leur permet de retourner dans le systeme sans retard après. Je crois qu'on leur demande un examen de passage après plus d'un an aussi. Pourquoi pas ...

 
At 8:20 a.m., Blogger Patrick Dion said...

Pourquoi pas Yza ? J'ai juste un mot qui me vient à l'esprit: Môman !

 
At 11:13 p.m., Blogger Vertige said...

Quel chanceux ce gamin!

Et rien de mieux qu'un amoureux qui partage cette envie de voir d'autres faces du monde. Tu en as de la chance, j'ai la même chance inestimable fort heureusement.

Alors je te souhaite pleins de "moi aussi" n'importe ou, banals, extraordinaires, longtemps...

 

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