28.6.06

Des nouvelles du Monsieur-qui-boude

Il va bien?
Oui super, il revient tout juste de vacances avec moi. En ce moment il se repose, peinard.

Et toi, tu vas bien?
Oui super, je reviens tout juste de vacances avec lui. Mais je me suis fait rattraper au boulot! Ça rentre dedans, un mardi matin. Beurk.

Il est heureux?
Oui, c’est ce qu’il dit et je le crois. Il sourit, il lit et il a vécu plusieurs moment de pur bonheur cette fin de semaine.

Et toi, tu es heureuse?
Oui, je me dis que oui et je me crois. Je souris parfois entre les 40-12 000 dossiers au bureau, je regarde mes fines herbes pousser en revenant, j’ai fait la paix avec le Prince-Piano et je jouis plus souvent qu’à mon tour.

Bon, alors quoi de neuf, vous deux?
C'est comme je t'ai dit: ça va. On revient de nous deux. On s'est respirés à fond, presque autant que l'air du fleuve. On s'est bus aussi.

Donc vous allez bien?
Oh mais oui, ça va, t’as pas compris?

Bon bon ok panique pas, je me renseigne!
Nous-sommes-heureux. Qu'est-ce que tu veux de plus? Tu veux des photos, banane?

19.6.06

Je suis la copine idéale

Une bonne copine s'abandonne à son homme.
Elle lui dit : "Amène-moi au bout du monde!"

Moi, j'ajoute : "Et mets ça sur ma carte!"

14.6.06

Des repères

Je lis un roman sur le génocide du Rwanda.

*

Dur.
Très dur.
Je suis bouleversée.

*

J’ai peur.

*

Je vis un moment, comment disait mon cousin, déjà? Une illumination? Non. Une catharsis? Non. Un moment où on découvre une réalité comme dans un prisme de lumière, avec toutes les vérités qui en découlent, en 8-10 couleurs. Une épiphanie, voilà.

*

La vie est si fragile.
Cliché, bien sûr.
Et pourtant je le sens dans mes tripes ce soir.

*

Je ne crains pas le génocide ici.
Je crains plutôt le détail qui fait basculer une vie.
Un diagnostic.
Une mauvaise rencontre.
Un stop mal fait.
Un pied glissant.

*

J’ai peur de ce que la vie est peut-être en train de préparer pour moi.

*

Je vais donc continuer à planter des petits poteaux dans mon champ.
Un devant le piano.
Un autre devant l’amoureux.
Un pour les plantes.
Un pour ce sourire échangé simplement avec une dame âgée sur la rue.
Et des dizaines d’autres pour les bières avec les amis, les sorties en voilier, les journées à la piscine, la main de ma nièce dans la mienne, le café de mon homme, ses fesses, ses lèvres et son sourire, nos matins en musiques et en rires, les heures données bénévolement, les mélodies de Desjardins, les soirées au bord du fleuve…

*

J’aurai des repères si un jour le vent soulève ma terre arable en un nuage opaque.

11.6.06

Môôôsieur le Prince

C'est chiant un piano.
Je vous en recommande pas, oubliez ça.
Ça fait son frais dans son habit noir.
Ça reste là, inutile, prince de salon sur plancher en pente.

Il m'a énervé la semaine dernière.
Il voulait rien entendre.
Du coup, je l'ai boudé : ça lui apprendra.
Lui ai pas parlé, pas regardé depuis 5 jours.

Les ponts sont coupés.
Demain soir, je vais en toucher un autre.
Un classique, avec du vrai bois et des vraies cordes.
Pas un truc électronique avec des faux sons enregistrés.

Sera-t-il jaloux, cette fois?
M'écoutera-t-il, ensuite?
Apprendra-t-il sa leçon, une bonne fois pour toute?
Chose certaine : moi je ne sais pas la mienne pour le cours de demain!
(Et c'est entièrement sa faute, la vieille tête de mule.)

Entendu récemment

« Je suis pas raciste, mais… »
« Les homosexuels me dérangent pas, mais… »

Oui, oui, c’est ça.
Pas besoin de le répéter une autre fois.
Tu l'as déjà assez dit.
J'ai compris.

6.6.06

La tête vide

Ce soir, je m’étendrais sur le balcon.
Je regarderais le thym pousser.
La tête vide.

*

J’ai la tête vide de moi, surtout.
Remplie du boulot.
Ça occupe tout l'espace, m'enlève le sourire.

Est-ce que j’ai oublié un truc à la page 78?
Est-ce que la traduction est juste?
Un gros projet entre mes mains blanches.
Mon premier truc à moi seule.

Trois ans et demie après la fin de mes études, je suis encore débutante.
Triste à écrire, non?
Et pourtant, je sens qu'elle rentre tranquillement, l’expérience.
La fameuse expérience.
Mais ce soir, je suis encore nulle.

*

Ai-je pensé à l’Amoureux aujourd’hui, en ai-je seulement eu le temps?
Oui, la réponse est oui.
On parlait d’enfants avec une collègue qui attend son troisième, à 31 ans.
Et moi, ai-je une fibre maternelle?
La question trottine.
Et la réponse viendra bien assez vite.
Mais pas ce soir.

*

Je viens de feuilleter le journal.
Intolérance, peur, Somalie, pollution.
J'aimerais comprendre les enjeux.
J'aimerais réfléchir à tout ça.
Un jour, je ferai plein de liens dans ma tête.
J'analyserai et je me ferai une opinion claire.
Mais pas ce soir.

*

J’ai reçu un diplôme de participation à mon cours de piano.
Merci beaucoup, je l’encadrerai.
Il y a un concert fin juin.
« Mais les élèves adultes ne participent jamais », dixit le prof.
Merci beaucoup, je l’encadrerais lui aussi, pour cette phrase.

Mais pas envie de jouer du piano ce soir.
Langueur. Fatigue.
Tête vide, doigts gourds.

*

Mon contrat finit dans moins de 6 mois.
Je suis au milieu de ma route dans cette organisation.
Balancier.
À quand le retour de ma grande angoisse?
Ce soir, peut-être.