On tient ici un concept. Un autre texte à 20 (14) doigts.
On forme un joli couple. Je trouve qu'on se complète bien. Moi, réfléchie et posée. Lui, euh... "fougueux et vigoureux", disons (
Ça fait Viagra! Ben quoi, à ton âge...). Moi en Normal, lui en
Italique.On est pompés, hein, faut le dire.
*
J’ai déjà abordé ici le thème des gens du type « Je ne suis pas raciste, mais… » et autre « Je ne suis pas homophobe, mais… ».
Ben là, chu une fougère…L’Amoureux et moi venons tout juste de découvrir une autre catégorie de gens tout aussi méprisable. Il s’agit des « Vous savez, j’aime beaucoup les enfants, mais… ».
C’était une folle. Non, je suis trop poli, c’était une crisse de folle. En fait non, pas tout à fait, c’était une vieille crisse de folle plus exactement.« …mais vous le savez, un adolescent, ça écoute la musique fort, ça a besoin de bouger et ça a de l’agressivité à sortir. Je ne voudrais pas le brimer dans son besoin d’expression, cet enfant. C’est bien dommage, car vous m’aviez semblé bien sympathiques, mais j’ai loué à un autre couple plus vieux, sans enfants. »
Si elle avait su que le père déplace plus d’air que le fils, elle s’en serait assurément mordu les doigts.Ça, c’était après. Un aveu complet de discrimination envers nous, qui vivrons avec le fils de l’Amoureux.
Je souligne qu’il a 12 ans, le Gamin, bientôt 13. Douze ans, calvaire. On s’entend que ce n’est pas un Terrible-Two sans contrôle qui fait le bacon pour avoir un bonbon? Ce n'est pas plus excusable de le refuser, mais c'est plus bruyant qu'un ado qui joue au jeu vidéo à journée longue, c'est vrai. Nous avions même proposé de venir lui présenter le Gamin, question qu’elle constate de ses propres yeux comment il est adorable, doux, intello avec ses lunettes sur le bout du nez…
Et je regrette d’avoir pris cette initiative. Avoir su, je ne me serais jamais abaissé à ce point. Mais vous savez, quand on trouve un endroit chouette, on est prêt à faire quelques sacrifices pour arriver à nos fins. Grosse erreur, croyez-moi. J’ai honte même d’y avoir pensé.Pendant la visite, elle avait déjà eu le culot d’oser un « et puis, sans indiscrétion, vous désirez avoir des bébés ? » Bien sûr, l’appartement était superbe, un rêve d’appartement en fait, nous aurions fait n’importe quoi pour l’obtenir ! Alors nous avions bredouillé, bêtement, que « euh, non, pas bientôt en tout cas… ». Nous avions répondu à cette intrusion effroyable dans notre vie privée !
C’est ici que j’aurais vraiment dû me laisser aller. Un « Va chier vieille conne, c’est pas de tes affaires » aurait été de mise.Il y avait eu d’autres signes avant-coureurs, qui nous avaient agacés, mais que nous avions laissé passer, pour la lumière dans les pièces gigantesques, pour la cour verdoyante. Nous en étions à bavarder gentiment, multipliant les sourires, plaçant judicieusement nos pions, comme en entrevue d’embauche. Puis, il y avait eu son : « Oh, mais en fait, avec les locataires actuels, ce sont des problèmes culturels qu’on a eus… » Tout à coup, silence radio de notre côté. Je ne regarde pas l’Amoureux, mais j’imagine que son regard s’éteint, et je ne l’entends plus réagir. Nous ne devons pas nous regarder, nous sommes trop transparents l’un et l’autre. Allez, dépêtrez-vous madame. Je l’aide un peu : « Mais vous savez, des gens inintéressants, il y en a partout, peu importe les cultures. » « Oh ! Mais bien sûr, bien sûr ! » Elle avait eu chaud, elle s’en était sortie.
Moi je crois plutôt qu’elle n’a même pas eu honte de ce qu’elle venait d’avancer. Le portrait du « moi je suis pas raciste mais… » lui allait soudainement à merveille. C’est ici que j’aurais dû sauter ma coche et la traiter de vieille imbécile à l’esprit fermé. Je crois que ça m’aurait fait du bien.*
Hier soir, à l’Amoureux : « Tu imagines comment il va être incroyablement beau et grand, notre appart, car bien sûr il sera encore meilleur que celui-là ! Et le ou la proprio, tu imagines comment il sera gentil et prévenant ? »
Lui : « Et ses locataires, tu imagines comment ils vont lui marcher fort sur la tête, à la vieille crisse ? »
Je souhaite sincèrement qu’elle se fasse baiser d’aplomb par ses nouveaux locataires. Je souhaite qu’ils adoptent un chien, qu’il fasse des partouzes à n'en plus finir à 3 heures du mat, qu’ils pitchent leurs vidanges au beau milieu de la cour et les laisse sécher au soleil et qu’ils envoient leur chèque aux environs du 15 du mois (suivant). Peut-être que ça lui apprendra à la vieille folle à voir plus loin que le bout de son vieux nez rabougri.