30.7.06

Papillonnez

Passez l’après-midi sur le bord de l’eau, puis dans la piscine, avec votre amoureux.
Faites l’amour, bien sûr!
Sentez le soleil de 16 h pénétrer votre peau.

Plus tard, buvez un verre de rosé.
Passez au jardin et cueillez tomates, aubergine, petits oignons, poivron, patates, fèves, courge.
Découpez, pelez, tranchez…
Enrobez de pesto (fait maison, bien entendu!).
Préparez en une gigantesque papillote que vous déposerez sur le gril.
Faites chauffer.
En attendant, allez chercher une autre bouteille de rosé.
Embrassez votre amoureux.
Chassez quelques moustiques de vos épaules.

C’est prêt ?

Ouvrez délicatement le tout.
Humez.
Vite, prenez une patate du bout des doigts pour goûter avant votre amoureux.
Faites un grand « Mmmh! C’est bon! »
Saupoudrez de fromage parmesan mélangé à des noix hachées.
Séparez en parts égales (bah allez, un peu plus pour vous, c’est l’avantage de cette tâche!)
Dégustez tranquillement, les yeux dans ceux de votre amoureux.

Voilà!



[edit]

Dansez comme une folle avec Amadou et Mariame.
Riez. Sautez. Bougez!
Mangez les dernières framboises du jardin.

*

Regardez les nouvelles.
Voyez les dizaines de cadavres.
Voyez les foules enragées.
Sentez-vous tellement futile.
Sentez-vous démunie.
Ayez envie de redevenir chenille.

29.7.06

Vous vous ennuyez de lui?

Dipat: "C'est pas grave si on trouve pas où nous loger en vacances, j'amène mon livre."
Moi: "Hein? De kessé?"
Dipat: "Ben oui, dedans y'a l'inspecteur Théberge."

*

Dipat: "Chérie, as-tu besoin d'une petite douche ce matin?"
Moi: "Ben là, je pue pas!"
Dipat: "Mais non pas tant que ça... Mais continue d'écouter Tori Amousse..."

24.7.06

Un 24 juillet

Venetian Boat Song au bout des doigts.
Les courriels des potes dans la boîte : les numéros de portable à noter, les rendez-vous à fixer pour les retrouvailles bientôt, en France.
Un gâteau aux courgettes qui cuit au four.
Un Simpson dans quelques minutes.
Lapointe dans le colimaçon.
Mes plantes intérieures qui poussent vite et n’importe comment.
Les fines herbes et le plant de tomates cerises qui sèchent sur le balcon.
Le gris du ciel trop tôt, déjà.
Le Liban en feu.
La fête de mon presque papa, ce dimanche.
Celle de mon 100 % bio, dans 4 jours.
La mienne, demain.
Et cette lassitude au creux du ventre.

21.7.06

Awa

CHANGER
Nous faisons deux heures de route ensemble pour aller voir Awa. Nous sommes trois anciens stagiaires, plus de trois ans après notre séjour au Mali. Je ne peux pas les appeler mes amis, mais je suis heureuse de les revoir, de partager nos impressions sur le stage avec du recul, d’avoir des nouvelles d’eux. Je les observe, les écoute parler. Ils ont changé, mûri, pris confiance… Ils doivent dire la même chose de moi, j’imagine, j’espère.

*

Au premier coup d’œil, je ne la reconnais pas. « Tu es sûr que c’est la Awa qu’on pense ?! » que je glisse à l’oreille d’un autre stagiaire. Elle est là-bas, assise sur la galerie sans travailler (!), en pantalon (!!), sans son fils Solo sur le dos (!!!), elle nous fait de grandes salutations du bras. Elle s’approche, le pas souple, tombe dans nos bras. « Awa ! » « Sata ! » - mon prénom malien.

RETROUVER
…Mais c’est elle. Pas de doute. Y a la jolie figure. Y a les gestes, les mains ouvertes, les exclamations. Y a l’odeur. Y a la voix des femmes africaines, rauque. Y a le bambara. « Sata nyénafin! » - Sata, je me suis ennuyée! - « A ka kene? » - Comment ça va? - « Somogow ka kene? » - Comment va la famille? - Vite vite chercher les derniers mots de bambara dans ma mémoire… Et n’en trouver que très peu! Heureusement, Awa comprend mieux le français, après 6 semaines ici. Retrouver ses yeux allumés et son sourire. Retrouver les expressions, les intonations, la façon de bouger. Retrouver un lot de souvenirs, aussi.

ÉCHANGER
Nous échangeons des nouvelles sur les gens du village. Nous disons un nom et le visage d’Awa s’éclaire, probablement surprise que nous nous souvenions de cette personne, ou elle cherche quelques instants parmi les 875 habitants du village, puis elle dit invariablement : Torosite! – très bien.

Parfois, c’est plus compliqué. Nous lui demandons comment se porte le pouce de Fanta. Comme nous avions une trousse de premiers soins pour notre groupe de stagiaires lors de notre stage, nous étions devenus en quelque sorte le dispensaire du village pour les petits et gros maux de chacun. Fanta, quant à elle, avait un problème au pouce : elle ne le sentait plus et il était devenu tout noir. Elle demandait qu’on lui mette un pansement presque chaque jour. Nous étions catastrophés de voir qu’elle ne pouvait pas faire grand-chose de plus pour son début de gangrène. Alors les explications de Awa sont plus longues concernant le pouce de Fanta. On comprend par-ci par-là les mots a bana – c’est fini. C’est guéri? Le pouce est coupé? Nous ne le saurons pas.

Lorsqu’on feuillette l’album de photos de Awa, en majorité celles que nous lui avons fait parvenir, nous voyons Siriki, le maçon du village. À notre question A ka kene Siriki?, Awa devient grave. Siriki a bana. 2005.

PARTAGER
Les Tardif hébergent Awa et deux autres Maliens durant deux semaines. Ils nous reçoivent pour l’après-midi. Arrivent quelques minutent plus tard deux femmes et leurs enfants. Elles viennent refaire les tresses de Awa. Nous sommes maintenant une quinzaine de personnes à parler, à rire, à partager. Les arbres et les champs nous entourent, le soleil est chaud, l’eau est sucrée, la bière est fraîche.

VIVRE
Je regarde Awa, curieuse, goûter à ce qui est sur la table : nachos-salsa, blé d'inde, arachides salées. Abdulaye, l'autre villageois en échange, griffonne des notes dans son cahier dont il ne se sépare pas. Ndji, l'accompagnateur de l'ONG malienne, sourit quand on lui parle de son premier enfant, qu'il n'a encore jamais vu. Son fils est né le 15 juin, alors que Ndji était déjà au Québec. Il nous donne des nouvelles de l'avancement des projets au village, des autres employés de l'ONG que nous connaissons. C'est bon de réentendre sa voix basse et calme et ses explications interminables. Monsieur Tardif, pour sa part, nous raconte ses séjours de plusieurs années en Afrique et en Asie, ainsi que ses projets d'aller au Viêt-Nam à l'automne et au Mali en 2008. Je me sens chanceuse d'être entourée de gens si inspirants.

OFFRIR
Je confie à Awa des lettres à remettre à ma famille au village. Elles sont entre bonnes mains. Je lui offre des photos d'elle et de nous, au village. Elle est ravie! Elle disparaît un moment, puis revient avec deux minuscules élastiques. Un rouge, un bourgogne. Petites traces de notre rencontre.

TOUCHER
Nous nous regardons en souriant, les « Sata! » et les « Awa! » exprimant ce que mon français et son bambara ne peuvent pas se dire. Je prends ses mains. Je retrouve les creux et les rudeurs, la force du travail quotidien. Elle dit: « Ça c'est bara - travail. » Elle prend mes mains, touche mes pieds. Je dis: « Ça c'est pas bara! » Elle dit: « Ça c'est écrire! » Nous rions, main dans la main.

AIMER
Nous buvons le thé ensemble, le troisième, doux comme l’amour.

13.7.06

Awa

Je vous présente Awa! Elle est avec son fils Solo, qui avait un an à l'époque et qui a fait ses premiers pas lorsque nous étions au village. C'était au Mali en 2003.

Mais Awa est au Québec en ce moment même! Imaginez son dépaysement...

Je vous en dirai plus long bientôt: je vais passer l'après-midi samedi avec elle. J'ai hâte!

N'est-ce pas qu'elle est belle? Et vous n'avez même pas entendu son rire ni vu ses yeux qui pétillent de vie et de curiosité...

Je promets une photo de Awa au Québec!

12.7.06

Il est gonflé celui-là!

« Ouhla… On a affaire à une pièce « mature » ici… »

« Oui, le pneu était pas mal vieux. C’est pour ça qu’il a crevé. »

« Mais tu sais, y’a des vieilles choses qui fonctionnent encore très bien… On va regarder ça ensemble, si tu veux… »

- Le réparateur de mon vélo, qui se reconnaissait vraisemblablement dans le vétuste objet.

*

« Regarde là, les petites dents. Viens voir! Sont toutes usées. Ben approche, sinon tu verras rien. Aie pas peur, je te toucherai pas! »

- Le réparateur de vélo, de plus en plus véreux.

*

« Ton amoureux, il ne t’a jamais parlé de lubrification? »

- Le réparateur de vélo, décidément lubrique.

7.7.06

Tu t'en vas

Bon séjour dans les Uropes Charles, mon ami.
J'ai tellement pleuré hier à ton départ!
Mais je n'étais pas triste...
J'étais bouleversée par l'importance que tu prends dans ma vie.
Émue de vivre cette amitié avec toi, et heureuse d'avoir cette occasion de te dire que je t'aime.

Ce matin, j'ai séché mes larmes et je laisse le soin à d'autres de crier mon émotion.
Pour toi, cette délicieuse chanson de Alain Barrière, en duo avec Noëlle Cordier.
Juste pour toi. Parce que Tu t'en vas... :)

Bon séjour Charles!


2.7.06

Nez au vent

J’ai seulement glissé, il y a quelques semaines, que j’aime les cimetières. Je m’y sens bien. En paix. Bon endroit pour l’être, direz-vous. Il m’a répondu qu’il reposerait à Côte-des-Neiges, et qu’il était heureux d’être uni à Montréal pour toujours. Alors j’ai probablement réfléchi tout haut au fait qu’on pourrait aller voir son lot un après-midi.

Il m’est revenu là-dessus quelques jours plus tard. Et puis le lendemain. Je sentais bien que ça l’intriguait, le tentait d’aller tâter le terrain.

*

Dimanche après-midi, nous allons voir son grand-père et sa grand-mère, à Notre-Dame-des-Neiges. Trente ans qu’il n’a mis les pieds en cet endroit. Pourtant il file, nez au vent, tourne à droite au deuxième chemin (c’est la seule indication qu’il a retenue, sur la carte du cimetière), et continue. Un moment, il se sent oppressé. La mort lui fait peur et il s’en approche.

Il se souvient ensuite que son grand-père a été enterré sous une simple dalle, sans tombe. Il voit un bout de terrain où ne se trouvent que des plaques. Voilà, il est certain que c’est là.

Une marmotte nous attend, bien vivante et bien grasse. Nous étudions l’entrée du terrier où elle s’est réfugiée, nous voyons son museau qui frétille quelques centimètres plus loin. Nous lui conseillons de ne pas grignoter les pieds de Léo.

Et puis nous grimpons. Il marche droit vers la tombe 167, sans douter un seul instant qu’il est au bon endroit. Je cours vers la petite pancarte qui indique les sections. Il a raison.

Nous nous assoyons sur les dalles voisines. Il déblaie la terre et le gazon qui commencent à cacher sérieusement l’inscription. Je savais qu’il le ferait, et je le laisse travailler seul. À lui de le faire. Je le regarde : il ressemble à un gamin jouant dans son carré de sable. Nous sortons les fraises fraîches. Il a les mains salies de terre et de jus rouge, et il me raconte ses souvenirs. Je l’écoute, le vent soulève mes cheveux, une chenille apparaît sur la dalle.

Je le sens ému, heureux d’être là. Il était oppressé il y a quelques minutes, je le vois fébrile maintenant. Il est fier d’être venu, enfin, après toutes ces années, visiter grand-papa et grand-maman. Je sais qu’il est content de poser ce geste avec moi.

Surtout, je sens qu’il pense à lui. À son passage dans la vie, qui se terminera un jour. Il croit que la vie s’arrête au moment de la mort. Je pense que ça continue ailleurs. Il réfléchit d’ailleurs souvent à ce qu’il laissera derrière. J’admire son besoin intense de vivre chaque minute comme si c’était la dernière, pour voir et faire tout ce dont il rêve. Je suis à ses côtés et je l’aime un peu plus, pour cette sensibilité qu’il partage et pour cette passion qu’il m’offre.

Ce sera son chez-lui éventuellement, et ça le trouble. C’est probablement l’explication de son malaise un peu plus tôt. Une grande plaine de dalles donnant sur des milliers de tombes l’attend. Le regard est bloqué par le mur d’arbres cachant Côte-des-Neiges. « Fuck! Je pensais que j’aurais une meilleure vue que ça sur Montréal! » C’est aussi son genre de réflexion en ce genre de moment…